
Il existe des femmes dont l’Histoire garde précieusement, humblement le souvenir, en conservant le nom. Une des femmes œuvrant pour le panafricanisme et amoureuse de l’art, en prônant la réconciliation entre toutes les communautés humaines, a ainsi son souvenir honoré par une galerie qui garde son nom. Emblématique, et à l’image de cette femme, Annie Kadji, véritable ambassadrice de l’art africain camerounais. Partie beaucoup trop tôt rejoindre les ancêtres en 2015, elle a soutenu et fait émergé de grands noms de l’art africain camerounais comme Koko Komegne, Jean Emati ou encore Salifou Lindou.
Elle fait ses études au Havre, en France, puis part pour le Cameroun, où elle rencontre son mari : durant une dizaine d’années, elle se consacre plutôt à une vie familiale et crée une première boutique éphémère à Douala, nommée Artisanats du monde. Ce lieu est dédié à la vente et l’exposition d’art typiquement africain, en provenance du Cameroun mais aussi des pays alentours (Mali, Burkina Faso, etc) tout en
proposant une démarche éducative. Elle aide les artistes locaux à mettre le pied à l’étrier, pour améliorer leurs techniques et les valoriser.
En 2004, elle crée le Bonapriso Center of Arts (BCA) à Douala, un centre et galerie d’art, organisant régulièrement des expositions, tous les deux trois mois. Elle rassemble, façonne une véritable communauté par sa passion et sa générosité, en soulevant le monde pour les artistes qu’elle affectionne.
« En réalité, Annie Kadji c’était comme la directrice d’un jardin d’enfants, avec tout l’émulation autour d’elle, de l’art, de la création. On confondait la créante et la passionnée d’art : de façon à ce qu’elle nous considère non plus comme des artistes mais comme ses propres frères. Il y avait Annie la passionnée d’art, Annie la manager et Annie l’être humain. » Koko Komégné artiste et ami d’Annie Kadji
Elle organise différents ateliers pour les enfants, autour de la peinture, de l’encadrement, de la photographie.. Tout ce qui est possible, avec bonté et les artistes qu’elle met à l’honneur
« Près de 90 % des artistes camerounais sont passés par la galerie » Sten Kadji, un des fils d’Annie Kadji et de Gilbert Kadji
En 2008, un cancer lui est diagnostiqué et elle s’envole aux Etats-Unis pour se faire soigner, ce qui ne l’empêche pas de continuer sa passion. Elle crée une autre boutique éphémère en Floride. En parallèle le centre devient un lieu d’accueil, une école pour une ONG italienne. Le Bonapriso Arts Center (aujourd’hui Annie Kadji Arts Gallery) réouvrira ses portes en 2017, deux ans après son décès, dans la même idéologie que sa fondatrice : une plateforme pour les artistes locaux, de préférence camerounais, avec un versant éducatif. Cet aspect était très important pour elle, en raison de la difficulté de se procurer du matériel artistique au Cameroun. Une grande dame, autodidacte en photographie et encadrement, qui a contribué au rayonnement de l’art africain camerounais.
Anouk Bertaux, historienne de l’Art / DR Art design/ africanparure2018@gmail.com
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