Wilfried Mbida : peindre le silence et en révéler l’exquise lumière

by admin| in Art on avril 15, 2018 9:36

La mélodie du silence, de la paix et de la lumière porte un nom, celui de Wilfried Mbida. Cette mélodie est en réalité une expression plastique, que l’artiste camerounaise parvient à révéler par ses toiles et installations plastiques. Mise à l’honneur comme de nombreuses autres artistes femmes par l’exposition virtuelle ARTUELLES INTERFERENCES organisée par l’architecte Daniele Diwouta et exposée à la
Annie Kadji galerie (partenaire) en 2020, Wilfried Mbida possède un univers teinté de lumière, de tradition mais aussi d’une douce quiétude, tout en finesse et subtilité.

Hors temps, plonger dans ses œuvres est une pause totale et absolue. Elle réutilise parfois des lieux réels, là où elle ou ses proches vont, y associe des motifs connus, des attitudes dans les personnages. La nuance est dans sa maîtrise technique, presque sculpturale de la lumière. Regarder une œuvre de Wilfried Mbida, c’est prendre le temps de saisir le dialogue des différentes temporalités, tradition et modernité, qu’elle met savamment en lien par son pinceau et les touches colorées. D’un aspect glacé sur toute la surface d’une toile, cette particularité peut aussi être plus diffuse, réduite à une toute petite partie de l’œuvre, rehaussant la fossette d’un personnage ou l’accro de la lumière naturelle sur un tissu.

Ses thèmes sont variés, souvent liés à l’absence mais aussi au dialogue incessant entre la tradition et la société actuelle. Pour cet article, deux séries sont présentées. Tout d’abord la série Essani, composée de 8 toiles, qui se focalise sur le rite funéraire nommé Essani, que l’on retrouve au Cameroun mais aussi dans d’autres pays. Ce rituel est destiné à favoriser le passage de la vie terrestre à la vie dans l’au-delà,
auprès des ancêtres. Sous la forme d’une danse rythmée par le son des tam-tam, les ancêtres sont ainsi sollicités pour obtenir leur accord pour que le défunt aille auprès d’eux. Dans la série réalisée par Wilfried Mbida, on y retrouve les tam-tam et les danseurs qui déambulent pour demander aux ancêtres leur autorisation. L’autre série présentée dans cet article est consacrée aux intérieurs, qu’elle peint avec
minutie. L’atmosphère générale des œuvres de l’artiste est emprunte d’une sensation de quiétude et d’un espace temps figé, là où les bruits sont eux aussi absents.

 

« J’aime les intérieurs des demeures, je trouve qu’elles sont chargées de mystères, pour comprendre cette décharge j’utilise nos traditions. Je met ce dernier face à son propre silence et laisse l’observateur faire sa propre expérience »

Entretien personnel avec Wilfried Mbida

En 2017, elle participe à l’exposition « Newwwar. It’s Just a Game?”, organisé à Bandjoun Station, première grosse exposition collective à laquelle elle participe, contribuant à la mettre en avant. Wilfried Mbida reste toutefois relativement discrète, à l’image de ses oeuvres aux couleurs lumineuses et ambiances sourdes. En 2020, malgré la pandémie, elle expose également à Doual’art.

Le vignoble de souza, Wilfried Mbida, aquarelle sur toile, 2020, disponible à la Galerie MAM Formée à l’université des beaux arts de Nkongsamba (Cameroun), elle s’épanouit véritablement en Master quand les professeurs lui donnent entière liberté sur ses sujets et ses choix plastiques. Inspirée par le peintre danois Wilhelm Hammershøi et ses fameuses scènes d’intérieur, elle est aussi à l’aise
avec les installations qu’elle crée souvent en plus de ses peintures, toujours en liant la tradition et le monde actuel. Une artiste discrète mais qui diffuse son savoir avec sagesse et patience, comme nous l’enseigne ses œuvres.

Anouk Bertaux, historienne de l’Art / africanparure2018@gmail.com